Ce qu’il faut retenir de la tournée africaine du président chinois Xi Jinping

Publié le par chineenmouvement

 

Le président chinois Xi Jinping a quitté ce samedi 30 mars le Congo-Brazzaville, ultime étape d’une tournée de près d’une semaine en Afrique qui l’a conduit d’abord en Tanzanie puis en Afrique du Sud. Après la Russie, le nouveau numéro un chinois a ainsi poursuivi son premier voyage en tant que président. Un geste fort, donc, de la diplomatie chinoise vis-à-vis du continent.

 

 

La diplomatie chinoise n’aime ni l’improvisation ni les surprises. C’est donc un programme quasi identique à celui de Hu Jintao en 2003 qu’a organisé l’agence de voyage de Zhongnanhai – siège du gouvernement de la République Populaire de Chine – pour le nouveau numéro un chinois Xi Jinping.

Un programme que l’on pourrait résumer par l’équation : « Moscou + Forum + 3 ». Après son entrée en fonction en 2003 en effet, le prédécesseur de Xi Jinping s’était d’abord rendu en Russie, puis au sommet du G8 à Evian en France. Hu Jintao avait alors été invité par le président français Jacques Chirac en tant que représentant d’un « pays en développement », terminologie revendiquée par Pékin. Puis, le président chinois avait ensuite visité trois pays d’Asie centrale.

La tournée qui s’achève répond donc aux mêmes principes : Moscou, le 5ème sommet des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) à Durban et trois pays d’Afrique.

Nouveau ton, nouveau style

 

Ce qui change ici, c’est le ton et le style « décontracté » de cette tournée chinoise en Afrique. A chaque descente d’avion, la presse a d’abord rendu compte des tenues de la Première dame de Chine. C’est un détail mais qui a son importance, si l’on repense au protocole plus que figé des précédentes visites. Hier vendredi après-midi, Peng Liyuan était ainsi vêtue d’un tailleur clair et d’une écharpe praline lorsque le président congolais Denis Sassou Nguesso a accueilli son homologue chinois sur le tarmac de l’aéroport de Brazzaville, rapporte l’AFP. Des sources chinoises avaient même affirmé au Financial Times avant le départ du couple présidentiel, que l’épouse du président Xi Jinping serait amenée à prendre la parole pendant ce voyage.

Chanteuse populaire, Peng Liyuan a mis sa notoriété au profit d’organisation caritative. Elle est notamment ambassadrice de la lutte contre le Sida, ce qui peut avoir une certaine résonnance sur le continent. Peng Liyuan ne s’est pas exprimée publiquement. On a beaucoup entendu en revanche son mari, avec, là aussi, une certaine décontraction pendant les rencontres.

L’image de la table ronde de jeudi en Afrique du sud entre le président chinois et les différents responsables africains a fait la Une des médias officiels en Chine qui retiennent quatre pistes de développements mentionnées par Xi Jinping : préservation de la paix et de la stabilité sur le continent, promotion d’un développement plus durable par les entreprises chinoises jusqu’ici peu soucieuses du tissus social dans lequel elles s’implantent, l’intégration du continent et enfin la place de l’Afrique dans le concert des nations.

Un pays anglophone et un pays francophone

La direction de l’appareil d’Etat en Chine est collégiale. Le comité permanent du bureau politique du Parti communiste chinois compte sept membres, ce qui permet de ratisser large. En deux ans, la Chine a ainsi visité à un niveau quasi présidentiel tous les pays de la planète, des Etats-Unis aux îles Tonga. Sur la carte africaine, il restait donc la Tanzanie et la République du Congo.

Un pays anglophone et un pays francophone, le choix n’est certainement pas lié au hasard ! La visite de deux jours hier vendredi et ce samedi, était ainsi la première d’un président chinois au Congo-Brazzaville. Une visite historique et un discours très applaudi par les sénateurs congolais : « Nous avons la mission historique de réaliser le développement national et le bonheur de nos peuples, a affirmé Xi Jinping. A l’avenir le développement de la Chine sera une opportunité sans précédent pour l’Afrique de même que le développement de l’Afrique le sera pour mon pays ».

Les voyages en Afrique sont à la fois simples et compliqués pour les diplomates chinois, obligés de jongler de manière schizophrène avec une double identité. D’un côté, la Chine se considère en effet toujours comme un pays en développement et reste fidèle dans son discours aux « cinq principes de la coexistence pacifique » prônée autrefois par Zhou Enlai, ce qui la met sur un plan d’égalité avec l’Afrique. D’un autre côté, Pékin se définit comme une « puissance majeure », sachant que, selon certains analystes, l’économie chinoise devrait dépasser celles des Etats-Unis dès 2016.

Voilà peut-être pourquoi le président chinois s’est montré aussi à l’aise en Afrique du Sud, puissance régionale et pays hôte du somment de Durban. Les Brics rassemblent à la fois des pays émergents et des puissances futures et évitent de parler politique ou de la Syrie, ce qui va parfaitement aux Chinois.

Quant à la visite en Tanzanie, elle a surtout permis de rappeler l’engagement de Pékin dans l’intégration du continent. Le président chinois s’est notamment rendu sur le lieu de la fosse commune où ont été enterrés 69 experts chinois morts lors de la construction de la ligne de chemin de fer reliant la Zambie il y a quarante ans.

« Amitié » Chine-Afrique

Cette étape tanzanienne était donc forte en symboles et a permis d’insister sur la « fiabilité » de « l’amitié » entre la Chine et l’Afrique, termes régulièrement employés par les dirigeants à Pékin. Les médias chinois ont également essayé de trouver des symboles à l’intérieur de la Chine pour illustrer ce rapprochement. Visiblement les exemples étaient ici plus difficiles à trouver et c’est surtout un visage qui est revenu dans la presse : celui de la belle Aida Yang, 26 ans, jouant du guqing, la cithare traditionnelle chinoise. La jeune Sierra Léonaise a rencontré Yang Yan, artiste chinois de 58 ans, lors d’un voyage de ce dernier à Freetown, il y a deux ans.

Une belle histoire qui cache la forêt de la méconnaissance, des incompréhensions et parfois du racisme vis-à-vis des Africains en Chine. On le voit notamment lors de faits divers qui ressurgissent régulièrement dans l’actualité de la grande ville de Canton au sud du pays. La zone située entre les avenues Xiaobei Lu et Guangyuan Xi Lu a été rebaptisée « chocolate city » par les Chinois. On y trouve officiellement 20 000 Africains (au moins 100 000 selon une étude de l’université de Hongkong), des « traders » pour la plupart occupés à l’exportation du Made in China vers l’Afrique. Mais on le voit aussi dans la méfiance de l’opinion chinoise vis à vis des campagnes caritatives lancées à destination de l’Afrique.

Un scepticisme entretenu à un niveau plus institutionnel, la Chine refusant toujours de faire partie des pays donateurs. En tant que « pays en développement », Pékin ne s’engage que sur des programmes de coopérations : « La Chine va continuer à étendre ses investissements et poursuivre sa coopération avec l’Afrique, conformément à son engagement de fournir 20 milliards de dollars de crédits aux pays africains entre 2013 et 2015 », a ainsi rappelé M. Xi au cours de son voyage.

Fin de la lune de miel

Le nouveau ton du président Xi Jinping n’est pas qu’une question de forme. « Depuis près d’un an maintenant, il y a chez les dirigeants chinois une vraie prise de conscience des difficultés de la relation Chine-Afrique », confie ainsi un diplomate. Des difficultés qui n’ont pas été cachées d’ailleurs par le numéro un chinois lors de son discours de Dar Es Salaam. Depuis 2009, la Chine est le premier partenaire commercial de l’Afrique. Les échanges entre les capitales africaines et Pékin ont atteint 200 milliards de dollars l’année dernière.

Mais ces échanges ne sauraient à eux seuls résumer le nouveau partenariat que compte mettre en place Pékin. A chacune de ses étapes, le numéro un chinois a ainsi pris soin de visiter, qui une bibliothèque, qui un hôpital. Xi Jinping est venu vendre le « rêve chinois » aux Africains dans un contexte difficile.

Le ton est monté récemment chez plusieurs des partenaires de la Chine. Le président du Botswana, Ian Khama, ainsi évoqué de « mauvaises expériences avec des entreprises chinoises ». Il y a eu aussi le coup de tonnerre du gouverneur de la Banque centrale du Nigéria, Lamido Sanusi, qui confiait à l’agence Reuters avant le début de cette tournée : « La Chine prend nos biens primaires (…) et nous vend des produits manufacturés. Ce fut aussi l’essence du colonialisme ». Ce message a été entendu à Pékin.

Selon les statistiques officielles plus d’un million de Chinois travaillent en Afrique aujourd’hui (les chiffres officieux font même état de deux millions), ce qui provoque parfois quelques frictions avec les populations locales. Zhong Jianhua se veut rassurant à ce sujet : « Nous avons fait savoir aux entreprises chinoises qu’elles ne pouvaient pas employer uniquement des travailleurs chinois et je pense que la plupart ont saisi le message », a déclaré l’envoyé spécial chinois en Afrique.

Délocalisations chinoises en Afrique

« Le développement de la Chine sera une opportunité sans précédent pour l’Afrique de même que le développement de l’Afrique le sera pour mon pays ». Les mots prononcés par Xi Jinping devant le Sénat à Brazzaville auront probablement un fort écho au sein de la jeunesse congolaise. Car l’Afrique a aujourd’hui besoin d’emplois et plus seulement de routes et de palais des congrès.

Et ce alors que la Chine se retrouve confrontée à de nouveaux défis. Les salaires augmentent, les ouvriers chinois sont devenus trop chers et les patrons chinois ne cachent plus leur intention de délocaliser certaines de leurs productions vers l’Afrique. Le textile, la chaussure peuvent ainsi être fabriqués à moindre coût sur le continent. Ce qui permettrait aussi de rapprocher les usines des matières premières et de diminuer les frais d’expéditions. Les exportations vers l’Europe et les Etats-Unis étant moins chères du fait d’accords tarifaires favorables avec les pays africains.

Enfin, dernière évolution mesurée au cours de cette tournée, l’exigence de qualité revendiquée par les différents pays où sont implantées les entreprises chinoises. Au Botswana, le président se plaignait des délais pour la mise en place d’un réseau d’électricité construit par les Chinois, ailleurs c’est une route ou un bâtiment qui sont critiqués pour leur manque de fiabilité.

Ce nouveau niveau d’exigence des commanditaires pourrait entraîner un élargissement du partenariat à d’autres intervenants et notamment aux entreprises occidentales chargées d’apporter l’expertise ou la technologie qui fait défaut. C’est déjà le cas sur certains chantiers ; cette coopération tripartite pourrait prendre de l’ampleur à l’avenir. « La Chine souhaite sincèrement voir un développement plus rapide des pays africains et un meilleur niveau de vie pour le peuple africain », a déclaré Xi Jiping lors de son discours de Dar Es Salaam. L’avenir des relations Chine-Afrique passe donc désormais par la croissance des économies africaines.

 

Par Stéphane Lagarde RFI De notre correspondant à Pékin

Publié dans POLITIQUE

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